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Bibliovora

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Isidore DUCASSE dit Comte de LAUTREAMONT: Les chants de Maldoror

Publié par Kepherton sur 19 Février 2007, 17:07pm

Catégories : #Poésie - contes - nouvelles

Ce résumé est également disponible sur le site Wikipedia.

Il est impossible de vraiment résumer Les Chants de Maldoror pour la bonne raison qu’aucune intrigue progressive ne peut s'y lire. On a l’impression que dans chaque strophe l’auteur donne libre cours à son imagination farouchement rebelle, à sa fureur ou à sa goguenardise, des sentiments aussi opposés pouvant chez lui faire bon ménage. Maldoror, être surhumain, archange du Mal, lutte sous différentes formes contre le Créateur, souvent ridiculisé (Dieu au bordel), et commet des actes meurtriers où se révèlent son sadisme et son homosexualit&eacute. Couramment sont séduits de beaux jeunes gens. Dans la version de 1868, l’une des premières scènes présente un dialogue avec Dazet (dont le nom sera supprimé dans les éditions suivantes), qui nous laisse clairement entendre que, malgré l’irréalité de ce qui est raconté, un substrat biographique nourrit ces pages. Il serait vain de vouloir tout à fait l’effacer, même si l’auteur s’y employa.

Attestant le monde épique où se déroulent ces actions extrêmes, les objets et les animaux parlent, les métamorphoses se multiplient, l’emphase est de mise, et le gigantisme des personnages. Mais une constante ironie avertit le lecteur ; elle le force à prendre ses distances vis-à-vis de la narration et à juger le « phénomène » littéraire placé sous ses yeux. De plus en plus, cette voix critique se mêle au récit. Nous sommes convoqués au spectacle de l’œuvre en train de se faire et de se défaire. À partir du quatrième Chant, il n’est plus possible d’oublier cette contradiction, ces phrases vampiriques captant la substance du poème. Le « petit roman » final donne une leçon d’écriture, tout en stigmatisant le style rocambolesque et, plus généralement, le feuilleton qui sévissait alors dans les journaux à grands tirages. Cette dernière fiction synthétique développe une intrigue maintes fois esquissée dans les pages précédentes. L’adolescent Mervyn, séduit par Maldoror, sera en vain protégé par Dieu et ses émissaires animaux. Une ultime scène grandiose le voit projeté depuis la colonne Vendôme jusque sur le dôme du Panthéon, lieux significatifs, peut-être trop, et l’on peut deviner dans cet acte incongru une façon magistrale de se débarrasser de tous les romans du monde et de toutes les angoisses sentimentales qui les inspirent.

Si Ducasse prend un plaisir extrême à fomenter des scènes d’une rare violence, où le malheur et la méchanceté tiennent lieu de sublime, il est non moins visible qu’il sert ainsi le ton unique qui est le sien, combinant l’amplitude du rythme et le désabusement supérieur, une manière d’inéluctable et quelque puissant principe d’antigravité. L’activité de ce rhapsode bibliophage passe aussi par le plagiat (nombreux sont les emprunts qu’il fait à différents ouvrages, scientifiques notamment) qu’il a su élever au niveau d’un art en se réappropriant divers pans de textes – certains imprévisibles – pour les intégrer au sien avec un souci de l’effet littéraire tantôt admirable – et on se laisse prendre au jeu –, tantôt malignement dégrisant.

Une version électronique du livre est disponible sur le site anthologies

Mots-clés : poésie

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